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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/304

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AUTOUR DU SOFA.

Owen embrassa le pauvre ange effrayé » et ne put s’empêcher de sourire des paroles de son père. Sir Griffith s’en aperçut.

« Je vous ordonne, reprît-il avec rage, de vous dessaisir à l’instant du rejeton de cette misérable créature. »

Dans sa fureur, qui croissait de plus en plus, voyant que son fils était loin de lui obéir, il arracha le pauvre enfant des bras qui l’enlaçaient avec amour, et, le jetant à sa mère, quitta la maison sans ajouter une parole.

Nest, qui pendant toute la durée de cette horrible scène, avait conservé la pâleur et l’immobilité du marbre, tendit les bras pour recueillir son enfant ; le cher ange ne devait pas atteindre le refuge que lui ouvrait sa mère ; lancé avec force par Sir Griffith, qui dans sa violence n’avait pas bien visé, il alla frapper contre l’angle du dressoir, et tomba sur la pierre dont la salle était carrelée.

Owen se précipita vers lui ; mais au moment où il se baissait pour ramasser son fils, les yeux vitrés du pauvre petit eurent un mouvement convulsif, et ses lèvres, encore chaudes des baisers paternels, laissèrent échapper son dernier souffle.

Nest glissa immédiatement de sa chaise et resta inanimée auprès du corps de son enfant, insensible comme lui au désespoir d’Owen et à ses instances passionnées. Pauvre père, pauvre amant ! Il était si heureux dans la plénitude de son amour ! À peine un quart d’heure s’était-il écoulé, depuis l’instant où lui souriait son fils ; il croyait voir sur cette figure enfantine les promesses brillantes d’un long avenir, et maintenant ces yeux, où il regardait s’éveiller l’intelligence, étaient fermés pour toujours ; ce visage pâle ne sourirait plus en le voyant, et les petits bras qui se tendaient à son approche, étaient roidis par la mort. Ces cris si doux que lui adressait l’enfant adoré viendraient troubler ses rêves, mais il ne les entendrait plus à son