Aller au contenu

Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/305

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
LA DESTINÉE DES GRIFFITH.

réveil. Et près du petit cadavre gisait la pauvre mère, dont le cœur brisé avait perdu jusqu’au sentiment de la douleur. Owen s’efforça de lutter contre le vertige qui s’emparait de lui, et chercha, mais en vain, à rappeler Nest à elle-même.

Midi allait sonner, Ellis Pritchard revint à la maison. Il était bien loin de s’attendre au spectacle qui frappa ses yeux lorsqu’il entra dans la salle ; toutefois, quel que fût l’horrible coup dont il se sentit frappé, il sut prendre, pour faire revenir sa fille, de meilleurs moyens qu’Owen.

La pauvre Nest donna enfin quelques signes de vie ; on la porta dans sa chambre où elle s’endormit bientôt, sans avoir entièrement recouvré sa connaissance. Owen Griffith, oppressé par le poids de sa douleur, dégagea sa main qu’elle retenait dans la sienne, et, posant un long et doux baiser sur le front pâle de la malheureuse mère, sortit précipitamment et quitta la maison.

Près de la base de Moel-Gêst, à un quart de mille de Ty-Glas, était alors un petit bois solitaire et sauvage, que l’églantier, les ronces et la bryone rendaient presque impénétrable ; vers le milieu du fourré se trouvait une pièce d’eau transparente, où se mirait l’azur du ciel ; de larges feuilles de nénufar flottaient sur les bords, et quand le soleil y répandait à midi sa lumière étincelante, les fleurs montaient, du sein des eaux, pour saluer l’astre glorieux. Des sons variés vous charmaient de toute part dans ce petit bois plein de fraîcheur ; les oiseaux y gazouillaient dans l’ombre ; des milliers d’insectes bourdonnaient sans cesse, en voltigeant au-dessus du bassin limpide, une cascade mêlait son murmure au souffle du vent dans les branches, et le bêlement lointain des moutons, qui paissaient au sommet de la montagne, s’ajoutait parfois à cette harmonie de la nature.

Ce lieu solitaire avait été l’une des retraites favorites