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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/306

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AUTOUR DU SOFA.

d’Owen, à l’époque où, seul au monde, il souffrait de n’avoir personne qui répondît à son amour, et c’est là qu’il vint se réfugier après son départ de Ty-Glas, étouffant le cri de son désespoir jusqu’au moment où il eut pénétré dans l’endroit qu’il cherchait.

C’était l’heure du jour où il arrive souvent que le temps change tout à coup. Au lieu de refléter le ciel pur qui s’y mirait dans la matinée, la pièce d’eau reproduisait les nuages d’un bleu d’ardoise qui passaient au-dessus d’elle ; les arbres, secoués avec violence, abandonnaient leurs feuilles mortes qui tourbillonnaient dans l’air, et les sanglots du vent, qui balayait les marécages et sifflait au milieu des rochers, étaient la seule musique de cette solitude parfois si harmonieuse.

Les nuages crevèrent, la pluie tomba par torrents ; Owen ne s’en aperçut même pas. Assis sur la terre inondée, la figure dans ses mains, il employait toutes ses forces à retenir son sang qui se précipitait avec furie, et bouillonnait dans son cerveau de manière à le rendre fou.

Le spectre de son enfant se dressait devant lui et semblait crier vengeance ; puis apparaissait la victime désignée à sa fureur, et le malheureux frissonnait en reconnaissant son père.

Il essayait de ne plus penser, il cherchait à s’étourdir par l’excès de la douleur ; mais le flot sanglant tourbillonnait dans sa tête, et la double image se dessinait, d’autant plus nette à ses yeux qu’il s’efforçait de l’écarter.

À la fin cependant, parvenu à se maîtriser, il obligea son esprit à chercher ce qui lui restait à faire. Il n’avait pas vu que le squire était sorti de la maison avant de pouvoir connaître la mort du pauvre enfant, et dans la persuasion où il était que sir Griffith n’ignorait pas ce malheur, il voulait aller le trouver, lui montrer son dés-