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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/330

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AUTOUR DU SOFA.

et ma mère alla seule à l’église ; lorsque celle-ci rentra, au lieu de se diriger vers la cuisine où étaient sa sœur et son fils, elle courut s’enfermer dans sa chambre, et se mit à sangloter comme si sa poitrine allait se rompre. Ma tante, qui l’entendit, monta aussitôt et la gronda vivement à travers la porte, qu’elle finit par se faire ouvrir. À peine fut-elle entrée que ma mère se jeta dans ses bras, et lui dit, toujours en pleurant, que William Preston l’avait demandée en mariage, qu’il lui avait promis de se charger du petit Grégoire, comme s’il était son propre fils, et qu’elle avait accepté la proposition de William.

Cette nouvelle choqua d’abord ma tante ; elle avait toujours pensé que ma mère avait gardé bien peu de temps le souvenir de son premier mari, et voyait confirmer cette supposition par l’empressement de la veuve à contracter un nouveau mariage. Tante Fanny trouvait d’ailleurs que, pour un homme de l’âge de William Preston, elle eût fait un parti infiniment plus convenable que sa sœur Hélène, qui n’avait pas accompli sa vingt-et-unième année. Cependant comme on ne lui demandait pas son avis, elle crut plus sage de ne pas dire ce qu’elle en pensait, et d’examiner la chose à un point de vue complètement désintéressé. Après tout, la proposition ne manquait pas d’être avantageuse ; Hélène, dont la vue était trop fatiguée pour qu’elle pût continuer à faire de la couture, pourrait se passer de travailler lorsqu’elle serait la femme de Preston. Qui l’empêcherait alors d’avoir les bras croisés tout le long du jour si elle en avait envie ? En outre, un fils est une grande charge pour une veuve, et il était bien heureux pour Grégoire de trouver un protecteur aussi riche que William.

Tante Fanny en vint donc à envisager cette union sous un jour même plus brillant que ma mère, qui n’eut pas