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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/43

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LADY LUDLOW.

nesse, avait recruté les émeutiers de 1780. Son mari et ses frères avaient quitté leurs jupons et avaient eu la tête rasée chacun à l’âge de sept ans. Une jolie petite perruque, à la dernière mode, formait invariablement le cadeau de fête que Lady Ludlow, l’ancienne douairière, donnait à ses fils le jour où ils entraient dans leur septième année ; depuis cet instant jusqu’à leur mort, on ne voyait plus un seul de leurs cheveux.

Montrer sa chevelure était déjà un pas énorme dans la voie des idées nouvelles ; mais la porter sans poudre, ainsi que parlaient de le faire certaines gens mal élevés, c’était insulter aux convenances, blesser la pudeur par un costume indécent, faire en un mot du sans-culottisme anglais. Toutefois, M. Gray portait un œil de poudre ; assez pour que milady lui épargnât sa disgrâce, et trop peu pour mériter son entière approbation.

La seconde fois que je vis le nouveau pasteur, il était dans la grande salle. Mary Masson et moi nous devions sortir en voiture avec lady Ludlow, et quand nous descendîmes de notre chambre, où nous avions été nous équiper, nous trouvâmes M. Gray qui attendait milady. Je ne crois pas qu’il lui eût fait de visite et qu’il eût mis ses hommages aux pieds de Sa Seigneurie ; ce qu’il y a de certain, c’est qu’il avait refusé de venir le dimanche soir au château, ce qui avait peu disposé milady en sa faveur.

En nous voyant entrer dans la grande salle et lui faire la révérence, il rougit plus que jamais, toussa deux ou trois fois comme s’il avait voulu nous parler, ce qu’il aurait sans doute fait s’il avait eu quelque chose à nous dire, et devint encore plus rouge à chaque fois qu’il toussa. Je l’avoue à notre honte, mais nous avions beaucoup de peine à nous empêcher de rire, d’autant plus que nous étions nous-mêmes assez intimidées pour comprendre la situation du pasteur.