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Page:Gaskell - Autour du sofa.djvu/96

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AUTOUR DU SOFA.

comte, et c’est lorsqu’il fut trop tard qu’elle soupçonna l’amour de Clément pour sa cousine. Elle prit alors des renseignements sur la jeune personne ; on lui répondit qu’elle était d’une beauté médiocre, mais qu’elle avait une taille élégante, la physionomie expressive, et les manières à la fois pleines de noblesse et de charme. Quant au caractère, c’était, suivant les uns, une fille effrontée, sans principes et sans cœur ; suivant les autres, une nature indépendante et généreuse, un esprit original. Son père, qui la gâtait beaucoup, lui avait fait donner en quelque sorte l’éducation d’un homme, et lui avait permis de choisir, pour son amie intime, une jeune personne d’une condition inférieure à la sienne, une demoiselle Necker, appartenant à la bureaucratie, et qui était fille du ministre des finances. Il en résulta que Mlle de Courcy se trouva lancée parmi des libres penseurs, des gens dont l’imagination est remplie de projets subversifs de toute morale, et qui ne songent qu’à renverser la société. « Et mon fils recherche de pareils gens ? avait demandé la marquise. — Non, lui avait-on répondu ; M. de Courcy n’a d’yeux et d’oreilles que pour sa cousine, et ne pense qu’à la regarder et à l’entendre. » Quant à Mlle Virginie, c’est à peine si elle s’apercevait d’un amour qui était évident pour tout le monde. La fière créature ! mais ce pouvait être un moyen de cacher ce qu’elle éprouvait, et la marquise poursuivit son enquête, sans rien apprendre de décisif, lorsqu’un jour elle surprit, entre les mains de son fils, le billet où Mlle de Courcy répondait à la demande de son cousin qu’elle épouserait un homme, et non pas un petit-maître.

Justement indigné des termes de cette réponse, Clément avait promis à sa mère de ne jamais se représenter dans la maison de son oncle ; mais il ne put oublier sa cousine, bien qu’il ne proférât plus son nom.