Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/28

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avait été élevé jusqu’au moment où, se mariant ainsi, elle avait cessé de remplacer la défunte femme de son frère. C’était même Philip qui les avait déterminés, elle et son mari, à louer la ferme de Haytershank, sise dans un de ces creux dont nous avons parlé plus haut, et mieux abritée qu’on n’aurait pu le croire tout d’abord contre les vents continuellement déchaînés qui, battant ses murailles basses, fauchaient à une certaine hauteur les arbres qu’on tâchait de faire pousser autour d’elle. Mistress Robson, — Bell Robson, comme on l’appelait plus familièrement, — née native du Cumberland, était une ménagère plus laborieuse et plus recherchée que la généralité des femmes de fermier sur cette côte Nord-Est : aussi n’approuvait-elle guère leurs façons d’agir, le témoignant du reste par sa physionomie plutôt que par ses paroles, car elle ne bavardait pas volontiers. Il va sans dire que cette supériorité, à laquelle l’intérieur de son ménage devait un aspect particulièrement confortable, ne l’avait pas rendue très-populaire parmi ses voisines.

Ce soir-là, le fermier et la fermière étaient déconcertés par l’absence prolongée de leur fille. Le premier ne faisait qu’entrer et sortir de la maison, toujours plus désappointé, toujours plus impatient ; sa femme, calme et taciturne comme à l’ordinaire, ne manifestait son anxiété que par des réponses plus courtes que d’habitude et en tricotant avec un surcroît de zèle.

« Bientôt sept heures, disait le mari. J’ai grande envie d’aller jusqu’à Monkshaven chercher moi-même cette enfant.

— Non, Daniel, répondait sa femme ; tu souffrais des jambes la semaine passée, et pareille course n’est pas ton fait… Si tu veux, j’éveillerai Kester pour envoyer à ta place.

— Pas du tout, Kester n’ira pas… Il a une espèce