Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/43

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— Ah ! vous y allez ? dit Sylvia… Je voudrais bien être de la partie…

— Hé bien, demandez la permission à votre mère… C’est une chose à voir et dont on parlera dans bien des années… Vous pourrez, d’ailleurs, si vous venez, prendre vous-même le modèle de votre manteau !… Ce sera, comme on dit, faire d’une pierre deux coups. »

Après être convenues de l’endroit où elles se rencontreraient le dimanche matin pour aller ensemble à Monkshaven, les jeunes filles se séparèrent et Sylvia s’en revint chez elle. Le vieux tailleur et son père bavardaient encore à qui mieux mieux, et sur un ton de plaisanterie joviale qui plut singulièrement à la jeune fille, heureuse de voir réussir si bien la combinaison que sa tendresse filiale lui avait inspirée. Dans sa joie, elle courut vers l’écurie où Kester donnait aux chevaux la provende du soir, et après avoir chaleureusement remercié son complice, elle lui offrit de lui tailler dans l’étoffe de son manteau neuf un beau devant de gilet. L’honnête garçon de ferme, au lieu de la remercier avec enthousiasme, prit le temps de réfléchir à ce qu’on lui proposait :

« Hé bien… non, ma petite, lui dit-il résolûment, après un intervalle de silence ; je ne pourrais pas te voir avec un manteau écourté… J’aime que tu sois pimpante et bien mise… C’est mon orgueil, ma fantaisie, et j’aurais la même peine, si tu portais une cape trop étroite, que si la queue de notre vieille Moll, ici présente, était rognée de trop près… Je ne me regarde guère au miroir, et que m’importe un gilet de plus ou de moins ?… Garde ton étoffe pour toi, et reste toujours la bonne fille que tu es ! »

Empoignant, à ces mots, un bouchon de paille, il se mit à frotter la vieille jument de la tête aux pieds, et à siffler en travaillant, comme pour notifier à Sylvia que la conversation était finie. Emportée par un premier