Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/44

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élan de reconnaissance, la jeune fille ne fut pas fâchée, après tout, qu’il n’eût pas immédiatement accueilli son offre généreuse. La grande détermination qu’elle avait à prendre le dimanche suivant aurait pu s’en trouver fort gênée, et mieux valait chercher pour Kester une récompense qui n’entraînât pas avec elle de si grands sacrifices.

Dans l’après-midi de ce dimanche auquel Sylvia n’avait cessé de songer, l’église paroissiale de Monkshaven, — placée sur un grand plateau gazonné formant la cime des rochers au pied desquels venaient se rejoindre la rivière et la mer, — dominait à la fois, d’un côté, la petite ville où se pressait une population active, le port encombré de navires, la barre sur laquelle les flots venaient se briser, et, de l’autre, la mer tranquille, la mer sans limites, — symboles divers de la vie et de l’éternité. Depuis l’origine de Monkshaven, Saint-Nicholas avait toujours occupé la même position privilégiée, et son vaste cimetière, où se dressaient par centaines les pierres tumulaires, était comme le résumé sinistre des chroniques locales. Après le nom des maîtres de navires, des officiers, des matelots, qu’il était censé renfermer et qui avaient là leurs cénotaphes, on lisait à chaque instant des inscriptions comme celles-ci : « Supposé mort dans les mers du Groënland. — Naufragé dans la Baltique. — Noyé sur les côtes d’Islande. » Et ces mots produisaient une étrange sensation, celle d’un vent de mer qui sur ses ailes glacées eût ramené les pâles ombres de tous ces marins perdus au loin et regrettant la terre natale, la terre bénite où gisaient leurs pères.

On montait à ce cimetière par une sorte d’escalier à plusieurs étages, taillé dans le roc et sur lequel, longtemps avant que la cloche n’annonçât le service du soir, on put voir, ce jour-là, monter une foule empressée qui d’en haut faisait l’effet d’une fourmilière en pleine acti-