Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/7

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coup moins hostiles. Ceux qui entouraient Monkshavën, jalousant l’opulence toujours croissante de ses habitants, voyaient avec assez d’indulgence les entraves apportées à ce commerce auquel leur dignité nobiliaire les empêchait de prendre part ; ils croyaient d’ailleurs remplir un devoir sacré en appuyant les ordres de l’Amirauté, chaque fois qu’ils en étaient requis, de tout le pouvoir civil à eux conféré, — pourvu cependant qu’ils pussent le faire sans se mêler plus que de raison à des conflits qui, après tout, ne les intéressaient guère.

Bien reçus chez ces gentillâtres, et principalement chez ceux qui avaient plusieurs filles à pourvoir, les officiers de marine employés à l’odieuse mission que nous venons de définir n’étaient pas précisément impopulaires à Monkshaven même, si ce n’est dans les moments de crise où l’exercice de leur métier les mettait en collision directe avec la population. Le souvenir de leurs exploits, leur réputation de franchise, leur gaieté bruyante et cordiale les protégeait contre la haine populaire dont leurs subordonnés conservèrent le monopole. Ceux-ci, regardés comme des espions, des « voleurs d’hommes, » de la « vermine » — ainsi les appelait-on, — voyaient fort mal accueillir leurs moindres provocations, et les gens du peuple passaient rarement devant le cabaret de bas étage qu’un pavillon bleu signalait comme le rendez-vous de la press-gang, sans cracher vers la porte en témoignage d’exécration. Mais, après tout, cela importait peu. Si dignes qu’ils fussent des surnoms qu’on leur donnait, ces hommes étaient braves et entreprenants. La loi étant pour eux, leur tâche était légitime. Ils servaient leur foi et leur pays. Toutes leurs facultés étaient en jeu, ce qui est toujours agréable. Dans leur vie aventureuse, il y avait ample matière à combinaisons adroites, à succès chaudement disputés ; elle demandait du sang-froid, du courage, et satisfaisait à cet in-