Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/82

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par lesquelles William Coulson essayait d’appeler sur lui l’attention d’Hester paraissaient lui être un sujet de déplaisance. Mais depuis que les parents de Philip s’étaient établis à Haytersbank, depuis que Philip lui-même y multipliait ses visites, les vagues espérances qu’Hester avait peut-être nourries à son insu semblaient s’amortir peu à peu. Plus d’une fois il lui était arrivé, regardant sur la place, d’y contempler la jeune fermière sous son chapeau de paille orné de fleurs des champs, et de constater avec une jalouse admiration les hommages plus ou moins directs qu’on lui rendait de tous côtés, en même temps que l’impatience boudeuse avec laquelle ceux de Philip Hepburn étaient par elle accueillis. Plus d’une fois aussi, après s’être complue à ce spectacle qui la navrait, Hester était revenue se placer devant le pauvre miroir où les clientes du magasin venaient par-ci par-là essayer l’effet d’un ruban ou d’une dentelle. Et ce qu’elle y voyait alors n’était pas de nature à lui faciliter de trop flatteuses espérances. La comparaison, le contraste n’avaient pas de quoi la rassurer.

Bell Robson, de son côté, commençait à s’alarmer des succès de sa fille. Le beurre et les œufs de Haytersbank avaient pris tout à coup sur le marché de Monkshaven une vogue extraordinaire, vogue qui diminuait un peu quand la mère de Sylvia était seule chargée de la vente. De plus nombreux chalands se pressaient aussi autour des toisons suspendues dans les greniers de la ferme, et les jeunes bouchers n’attendaient pas pour venir passer en revue moutons et veaux qu’on leur eût notifié l’intention de vendre ; bref, les prétextes ne manquaient jamais pour venir lorgner à loisir celle qu’on appelait déjà la « Beauté du pays. » Grave sujet d’inquiétudes pour une mère toujours au guet, et qui eût préféré une indifférence complète à des attentions si marquées. Selon elle, on s’occupait trop de sa fille ; et, de fait, les opinions les