Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/83

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plus contradictoires circulaient de tous côtés au sujet de Sylvia. Pour les uns, elle était aussi brillante que « la première rose de juin ; » pour les autres, elle avait l’humeur maussade et dédaigneuse ; ceux-ci la déclaraient un « véritable rayon de soleil ; » ceux-là, une « fine mouche » experte en coups de langue. Suivant la personne qui parlait, elle était boudeuse ou prévenante, taciturne ou remplie d’esprit, égoïste ou aimante, et en somme elle avait cela de particulier, qu’elle était louée ou blâmée avec une sorte d’excès par tous ceux qui parlaient d’elle. L’oubli seul et l’indifférence lui semblaient étrangers. Moins réfléchi que sa femme, le vieux Robson jouissait tout à son aise de la réputation de leur fille et des attentions qu’elle lui valait. Nature éminemment cordiale et hospitalière, il faisait à tous venants beau jeu, et volontiers prenait sa fille avec lui, en promenant autour de la ferme ses acheteurs, devenus de plus en plus nombreux. Bell Robson, en pareil cas, sans oser contredire ouvertement la volonté de son mari, redoublait de surveillance et, cachée derrière un volet, elle voyait de loin Daniel parler avec feu, gesticulant de son lourd bâton, tandis que Sylvia détournait la tête et parfois se baissait pour cueillir quelques fleurs, se dérobant ainsi à de trop indiscrets regards.

Telles furent à peu près les circonstances dans lesquelles elle reçut, un beau dimanche de novembre, la visite de Philip Hepburn. Il arrivait plus tôt qu’à son ordinaire, et sa pâleur, sa gravité, semblaient annoncer une communication de quelque importance. Effectivement, aux premiers mots prononcés par lui, sa tante dressa l’oreille. Il venait lui rapporter des propos tenus sur le compte de Sylvia, et que motivait son apparition dans une salle de danse, ouverte pendant la dernière foire dans une des auberges de Monkshaven. Son père l’y avait conduite sans songer à mal, et la maîtresse