Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas semblait devoir faire déborder. Peu accoutumé à se bercer de chimères, il croyait avoir toute raison de penser qu’avec beaucoup de patience et d’empire sur lui-même, il finirait par gagner l’amour de Sylvia. Un an plus tôt, il s’était attiré sa méfiance et presque sa haine par les témoignages trop fréquents de la tendresse qu’il lui portait. Ses empressements avaient alarmé une timidité enfantine ; il l’avait ennuyée, fatiguée, en essayant de l’associer à ses études. Maintenant, éclairé par ses bévues, et les rectifiant avec une sagacité qui n’est pas vulgaire, il marchait à son but par une voie plus sûre. Depuis bien des mois, il ne lui était échappé ni un mot ni un regret compromettant ; Sylvia ne devait plus se croire pour lui qu’une « petite cousine », envers laquelle il se montrait tout simplement attentif et dont il se constituerait au besoin le protecteur. La conséquence de cette tactique avait été de l’apprivoiser à lui, lentement et par degrés, comme quelque biche sauvage, tandis qu’impassible et calme, il feignait de ne pas apercevoir les timides avances qu’elle hasardait pour reconquérir son amitié. C’était, en général, à l’issue de chaque leçon que ces avances prenaient un caractère plus déterminé. Sylvia semblait craindre de lui avoir déplu jadis, et chercher à tranquilliser sa conscience en faisant la paix avec lui ; pour le moment ils étaient dans les termes d’une bonne amitié ; — rien de plus, ni rien de moins. En son absence, elle ne souffrait pas que ses jeunes compagnes raillassent la roideur un peu gourmée de ce brave cousin ; elle allait même jusqu’à prétendre, sans beaucoup de vérité, qu’elle n’avait jamais remarqué en lui la moindre bizarrerie. Si elle avait quelque conseil à demander pour les menues difficultés de sa vie quotidienne, c’était invariablement à lui qu’elle s’adressait ; et si, en les lui donnant, il employait plus de paroles qu’il n’eût fallu, — ou des paroles plus difficiles à comprendre, — elle