Page:Gaskell Craik - Trois histoires d amour.djvu/208

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un excellent garçon à sa manière, mais il ne pouvait nous faire aucun bien, et nous ne pouvions lui en faire beaucoup. Je ne savais pas alors et je ne sais pas encore pourquoi il était venu chez nous, soit que ce fût par intérêt (et la simple justice me reprochait de l’en soupçonner, quelque riche et quelqu’influent que mon père fût devenu), ou bien par une de ces fantaisies oiseuses auxquelles les jeunes gens désœuvrés sont sujets.

Parfois au milieu de la routine monotone des affaires, qui nous enchaînaient mon père et moi aussi complètement que si nous eussions été deux chevaux dans un moulin, ou deux forçats travaillant côte à côte, il me venait tout d’un coup une vision de cette vie facile et charmante que lord Erlistoun nous avait dépeinte à Lythwaite ; j’avais vu les yeux de Jeanne étinceler en l’écoutant ; je me souviens des récits de levers du soleil sur les Alpes, de couchers de soleil sur les montagnes de la mer Égée, de clairs de lune ravissants plus beaux que ceux du nord pendant qu’on flottait négligemment sur la bleue Méditerranée, ou qu’on côtoyait les îles de l’Archipel. Le plaisir, rien que le plaisir, point de limites imposées par le devoir, point de fardeau, point de souci.

Et cependant, aurais-je voulu échanger nos vies ? Non.