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commandeurs plus de cent. Ils ne faisaient plus la guerre pour les intérêts de la foi, mais pour défendre leurs États contre les attaques du roi de Pologne et quelquefois pour ravir les domaines de ce prince. Si on allait encore combattre dans leurs rangs, ce n’était plus par religion, mais par mode ou par sentiment chevaleresque. On s’y rendait comme à une passe d’armes ou à une partie de plaisir. C’étaient des expéditions de princes et de grands seigneurs qui devenaient fort coûteuses. Ainsi Gaston Phœbus, en passant par Bruges, emprunta vingt-quatre mille écus[1], sans doute pour faire face aux frais de ce voyage. Il ne fallait pas moins pour se présenter honorablement chez ces moines souverains qui, parmi les officiers de leur ordre, comptaient 65 célériers, 40 maîtres-d’hôtel, 37 proviseurs, 18 panetiers, 93 maîtres des moulins et 39 maîtres de la pêche. Encore cette nomenclature n’est-elle pas complète, car on n’y voit pas figurer les maîtres de la vénerie ; et cependant tous les grands seigneurs de ces contrées s’adonnaient à la chasse. Ce fut dans une partie de chasse que, trois ans après le voyage de Gaston, en 1361, la veille du dimanche des Rameaux, le frère Gerh Kranichsfeld fit prisonnier Kinstod, roi des Lithuaniens. Gaston profita de son séjour sur les bords de la Baltique pour chasser un animal qui n’existe plus dans nos forêts, le rangier, qu’aujourd’hui nous appelons le renne. Dans le deuxième chapitre de son livre de chasse, décrivant la manière dont il faut attaquer et prendre cet animal, il écrit : « J’en ai vu en Norvége et en Suède. »

Au reste, ce voyage n’a pas été de longue durée, Gaston et le captal de Buch étaient de retour en France vers le milieu de 1358. À leur arrivée en France, ils apprirent les excès

  1. D. Vaissette cite une lettre de Gaston, écrite de Kœnisberg le 9 février 1358, par laquelle il charge ses conseillers Jourdain de Parelle et Raymond d’Alby, d’engager ses sujets à lui avancer la somme nécessaire pour acquitter cette dette.