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Page:Gaston Phoebus - La Chasse, J-Lavallee, 1854.djvu/16

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de la Jacquerie. Dans le principe, cette insurrection populaire avait eu pour motif un sentiment de patriotisme : en voyant la captivité du roi, les gens de la campagne se soulevèrent. Ils voulaient marcher à la délivrance de Jean ; ils voulaient courir sus aux Anglais ; mais des passions haineuses et jalouses vinrent bientôt détourner ce mouvement généreux de son but primitif. Les Jacques, impuissants pour rendre la liberté au roi, impuissants pour chasser les Anglais de France, tournèrent leur fureur contre les nobles. Ils reprochaient à ceux-ci d’avoir fui sans combattre à la journée de Poitiers, et d’avoir trahi les intérêts de la France par rancune contre le souverain ; ils leur reprochaient l’asservissement dans lequel les seigneurs tenaient leurs vassaux ; ils leur reprochaient l’opulence des châteaux et la misère du peuple ; ils leur reprochaient leur orgueil héréditaire. Ces socialistes du moyen-âge résolurent d’anéantir la noblesse par l’assassinat et le massacre ; de niveler la propriété par l’incendie et par le pillage ; de détruire la famille par le viol et par la débauche. Ils ne se bornèrent pas à de vaines menaces : dans le Valois, dans la Brie, dans le Soissonnais, les châteaux, les habitations de quelque importance furent attaquées, saccagées ; les gentilshommes que ces brigands purent prendre expirèrent au milieu des tortures les plus atroces ; toutes les dames, toutes les damoiselles qui tombèrent entre leurs mains furent outragées. « En ce temps que ces méchantes gens courroient, dit Froissart[1], revindrent de Pruce le comte de Foix et le captal de Buz, son cousin. Si entendirent en leur chemin (si comme ils devoient entrer en France) la pestilence qui courroit sur les nobles hommes. Si sceurent en la cité de Chaalons que la duchesse de Normandie, la duchesse d’Orléans et bien trois cents dames et damoiselles, et le duc d’Orléans aussi, estoient à Meaux en Brie pour ceste Jacquerie. Lors s’accordèrent ces deux chevaliers qu’ils iroient veoir ces dames et les renforceroient à leur pouvoir ; com-

  1. Vol. 1er, chap. 184.