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Page:Gautier-Lopez - Regardez mais ne touchez pas.djvu/13

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sées !… Comment, messieurs, vous êtes là une troupe de gentilshommes, jeunes, forts et hardis… votre Reine, une femme est en péril, et pas un de vous ne bouge !

LE COMTE.

Si ce n’était qu’une femme, dix de nous se seraient déjà élancés !… Mais la reine, c’est bien différent !

BÉATRIX.

Que voulez-vous dire ?

LE COMTE.

Tout homme qui touche à la reine, même pour la sauver, est puni de mort… C’est une loi d’Espagne bien connue.

BÉATRIX.

Sauvez la reine et mourez !

LE COMTE.

J’ai trop de respect pour l’étiquette, et trop d’amour pour l’existence !… D’ailleurs, comme grand-maître des cérémonies, je dois éviter de rien faire qui soit contre les règles… ce serait un précédent fâcheux… un véritable scandale !

BÉATRIX.

Mon Dieu ! mon Dieu !… que faire ?… Eh ! quoi !… personne ne se décide ?… ô chevaleresque Espagne !… Terre du courage et de la galanterie !… c’est donc là que tu en es descendue ?… Il n’y a pas un cœur sous ces pourpoints !… que faut-il vous dire pour vous persuader ?… Ma voix se brise !… ma tête s’égare !… ah ! celui qui sauvera ma maîtresse, je l’aimerai comme un frère, comme un époux !…

LE COMTE.

Ma nièce, modérez cette exaltation… irrégulière…

BÉATRIX.

Je lui donnerai mon cœur !

LE COMTE.

Ma nièce !

BÉATRIX.

Je lui donnerai ma main !…

LE COMTE.

Ma nièce !… Rappelez-vous que vous êtes ma pupille, et que je l’ai retenue, votre main, pour mon neveu Don Melchior, que je fais venir expressément de Grenade pour vous épouser, et qui doit arriver aujourd’hui… Messieurs, ne l’écoutez pas.

BÉATRIX.

Écoutez-moi, de grâce !… si vous êtes Espagnols, si vous êtes gentilshommes, en ce moment peut-être votre reine se meurt !…

LE COMTE.

Ah ! voici Griselda, sa camériste… nous allons peut-être savoir… (Griselda entre.)