Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/227

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gnor Valetta. Quoique sa raison se révoltât contre une pareille appréciation, il ne pouvait s’empêcher de reconnaître qu’il présentait tous les indices dénonciateurs de la jettature. — L’esprit humain, même le plus éclairé, garde toujours un coin sombre, où s’accroupissent les hideuses chimères de la crédulité, où s’accrochent les chauves-souris de la superstition. La vie ordinaire elle-même est si pleine de problèmes insolubles, que l’impossible y devient probable. On peut croire ou nier tout : à un certain point de vue, le rêve existe autant que la réalité.

Paul se sentit pénétré d’une immense tristesse. — Il était un monstre ! — Bien que doué des instincts les plus affectueux et de la nature la plus bienveillante, il portait le malheur avec lui ; son regard, involontairement chargé de venin, nuisait à ceux sur qui il s’arrêtait, quoique dans une intention sympathique. Il avait l’affreux privilège de réunir, de concentrer, de distiller les miasmes morbides, les électricités dangereuses, les influences fatales de l’atmosphère, pour les darder autour de lui. Plusieurs circonstances de sa vie, qui jusque-là lui avaient semblé obscures et dont il avait vaguement accusé le hasard, s’éclairaient maintenant d’un jour livide : il se rappelait toutes sortes de mésaventures énigmatiques, de malheurs inexpliqués, de catastrophes sans motifs dont il tenait à présent le mot ; des concordances bizarres s’établissaient dans son