Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/292

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rait-il pas toujours ainsi ? ne devait-il point passer, chaque matin, des ténèbres du sommeil aux ténèbres de la veille ?

Il chercha à tâtons le cordon de la sonnette.

Paddy accourut.

Comme il manifestait son étonnement de voir son maître se lever avec les mouvements incertains d’un aveugle :

« J’ai commis l’imprudence de dormir la fenêtre ouverte, lui dit Paul, pour couper court à toute explication, et je crois que j’ai attrapé une goutte sereine, mais cela se passera ; conduis-moi à mon fauteuil et mets près de moi un verre d’eau fraîche. »

Paddy, qui avait une discrétion toute anglaise, ne fit aucune remarque, exécuta les ordres de son maître et se retira.

Resté seul, Paul trempa son mouchoir dans l’eau froide, et le tint sur ses yeux pour amortir l’ardeur causée par la brûlure.

Laissons M. d’Aspremont dans son immobilité douloureuse et occupons-nous un peu des autres personnages de notre histoire.

La nouvelle de la mort étrange du comte Altavilla s’était promptement répandue dans Naples et servait de thème à mille conjectures plus extravagantes les unes que les autres. L’habileté du comte à l’escrime était célèbre ; Altavilla passait pour un des meilleurs tireurs de cette école napolitaine si redoutable sur le terrain ; il avait