Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/448

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this et son pied, qui paraissait doué d’une vie à part, un dialogue très bizarre dans un cophte très ancien, tel qu’on pouvait le parler, il y a une trentaine de siècles, dans les syringes du pays de Ser : heureusement que cette nuit-là je savais le cophte en perfection.

La princesse Hermonthis disait d’un ton de voix doux et vibrant comme une clochette de cristal :

« Eh bien ! mon cher petit pied, vous me fuyez toujours, j’avais pourtant bien soin de vous. Je vous baignais d’eau parfumée, dans un bassin d’albâtre ; je polissais votre talon avec la pierre ponce trempée d’huile de palmes, vos ongles étaient coupés avec des pinces d’or et polis avec de la dent d’hippopotame, j’avais soin de choisir pour vous des tatbebs brodés et peints à pointes recourbées, qui faisaient l’envie de toutes les jeunes filles de l’Égypte ; vous aviez à votre orteil des bagues représentant le scarabée sacré, et vous portiez un des corps les plus légers que puisse souhaiter un pied paresseux. »

Le pied répondit d’un ton boudeur et chagrin :

« Vous savez bien que je ne m’appartiens plus, j’ai été acheté et payé ; le vieux marchand savait bien ce qu’il faisait, il vous en veut toujours d’avoir refusé de l’épouser : c’est un tour qu’il vous a joué. L’Arabe qui a forcé votre cercueil royal dans le puits souterrain de la nécropole