Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/462

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chota à l’oreille, avec un accent étrange : — Ce sont des esprits !!! Les écailles de mes yeux tombèrent ; les vapeurs blanches prirent des formes plus précises, et j’aperçus distinctement une longue file de figures voilées qui suivaient la corniche, de droite à gauche, avec un mouvement d’ascension très prononcé, comme si un souffle impérieux les soulevait et leur servait d’aile.

À l’angle de la chambre, sur la moulure du plafond, se tenait assise une forme de jeune fille enveloppée dans une large draperie de mousseline.

Ses pieds, entièrement nus, pendaient nonchalamment croisés l’un sur l’autre ; ils étaient, du reste, charmants, d’une petitesse et d’une transparence qui me firent penser à ces beaux pieds de jaspe qui sortent si blancs et si purs de la jupe de marbre noir de l’Isis antique du musée.

Les autres fantômes lui frappaient sur l’épaule en passant, et lui disaient :

« Nous allons dans les étoiles, viens donc avec nous. »

L’ombre au pied d’albâtre leur répondait :

« Non ! je ne veux pas aller dans les étoiles ; je voudrais vivre six mois encore. »

Toute la file passa, et l’ombre resta seule, balançant ses jolis petits pieds, et frappant le mur de son talon nuancé d’une teinte rose, pâle et