Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/497

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part, me dis-je en continuant ma marche machinale. Je parviendrai au bas le lendemain du jugement dernier. »

Les figures des tableaux me regardaient d’un air de pitié ; quelques-unes s’agitaient avec des contorsions pénibles, comme des muets qui voudraient donner un avis important dans une occasion suprême. On eût qu’elles voulaient m’avertir d’un piège à éviter, mais une force inerte et morne m’entraînait ; les marches étaient molles et s’enfonçaient sous moi, ainsi que des échelles mystérieuses dans les épreuves de franc-maçonnerie. Les pierres gluantes et flasques s’affaissaient comme des ventres de crapauds ; de nouveaux paliers, de nouveaux degrés, se présentaient sans cesse à mes pas résignés, ceux que j’avais franchis se replaçaient d’eux-mêmes devant moi.

Ce manège dura mille ans, à mon compte.

Enfin j’arrivai au vestibule, où m’attendait une autre persécution non moins terrible.

La chimère tenant une bougie dans ses pattes, que j’avais remarquée en entrant, me barrait le passage avec des intentions évidemment hostiles ; ses yeux verdâtres pétillaient d’ironie, sa bouche sournoise riait méchamment ; elle s’avançait vers moi presque à plat ventre, traînant dans la poussière son caparaçon de bronze, mais ce n’était pas par soumission ; des frémissements féroces agitaient sa croupe de lionne, et