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Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/29

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Fortunio s’avança vers le fauteuil de George d’un pas ferme et vif, et lui donna une poignée de main.

« Ha ! ha ! bonjour, Fortunio ! ― Pourquoi diable es-tu venu si tard ?

― Vous m’excuserez, mesdames, j’arrive de Venise, où j’étais invité à un bal masqué très brillant chez la princesse Fiamma ; j’avais oublié de le dire à George lorsqu’il m’a rencontré à l’Opéra et m’a prié de venir à son sabbat. J’ai eu à peine le temps de changer d’habit.

― Ah ! si tu vas au bal à Venise, il n’y a plus rien à dire : mais je crois, ô Fortunio, t’avoir aperçu au boulevard de Gand il n’y a pas huit jours. Vous mentez comme une épitaphe ou comme un journal officiel, mon jeune ami.

― En effet, j’étais au boulevard de Gand avec de Marcilly ; qu’y a-t-il là d’étonnant ?

― Oh ! rien ; ― à moins de posséder le manteau voyageur de Faust, d’avoir trouvé le moyen de diriger les ballons ou de chevaucher sur des aigles, cette ubiquité me paraît peu probable.

― Bah ! dit Fortunio en faisant sauter sa bourse avec un geste plein d’insouciance, à cheval sur ceci on fait plus de chemin que si l’on avait l’hippogriffe entre les jambes. Çà, je voudrais bien boire un coup, ma langue me pèle faute d’humidité. — Mercure, apporte-moi la coupe d’Hercule ! »

La coupe d’Hercule était un grand vase ciselé