Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 2.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deur, quelle duchesse n’envierait leur pureté et leur éclat ? Le charmant Fanfreluche, outre les moyens physiques de plaire, possède mille talents de société : il danse le menuet avec plus de grâce que Marcel lui-même ; il sait donner la patte et marquer l’heure ; il fait la cabriole pour la reine et Mesdames de France, et distingue sa droite de sa gauche. — Fanfreluche est très docte et il en sait plus que messieurs de l’Académie ; s’il n’est pas académicien, c’est qu’il n’a pas voulu : il a pensé, sans doute, qu’il y brillerait par son absence. L’abbé prétend qu’il est fort comme un Turc sur les langues mortes, et que, s’il ne parle pas, c’est une pure malice de sa part et pour faire enrager sa maîtresse.

Du reste, Fanfreluche n’a point la voracité animale des chiens ordinaires. Il est très friand, très gourmet et d’une nourriture difficile ; il ne mange absolument qu’un petit vol-au-vent de cervelle qu’on fait exprès pour lui, et ne boit qu’un petit pot de crème qu’on lui sert dans une soucoupe du Japon. Cependant, quand sa maîtresse soupe en ville, il consent à sucer un bout d’aile de poularde et à croquer une sucrerie du dessert ; mais c’est une faveur rare qu’il ne fait pas à tout le monde, et il faut que le cuisinier lui plaise. Fanfreluche n’a qu’un petit défaut ; mais qui est parfait en ce monde ? Il aime les cerises à l’eau-de-vie et le tabac d’Espagne, dont il mange de temps en temps une prise ; c’est une