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LES MOSQUÉES.

liers que ceux de la place Saint-Marc. — Un bon vieux Turc se tient sous les arcades avec des sacs de vesce ou de millet. On lui en achète une mesure, que l’on sème par poignées ; alors, des minarets, des dômes, des corniches, des chapiteaux s’abattent, par tourbillons diaprés, des milliers de colombes, qui se précipitent sous vos pieds, qui descendent sur vos épaules et vous fouettent la figure du vent de leurs ailes ; on se trouve subitement le centre d’une trombe emplumée. Au bout de quelques minutes, il ne reste plus un seul grain de mil sur les dalles, et l’essaim repu regagne ses gites aériens, attendant une autre bonne aubaine. Ces pigeons viennent de deux ramiers que le sultan Bayezid acheta jadis à une pauvresse qui implorait sa charité, et dont il fit don à la mosquée. — Ils ont prodigieusement pullulé.

Selon l’habitude des fondateurs de mosquées, Bayezid a son turbé près de celle à qui il a donné son nom. Il dort là, couvert d’un tapis d’or et d’argent, ayant sous la tête, par un trait digne de l’humilité chrétienne, une brique pétrie avec la poussière recueillie sur ses habits et ses chaussures, car il y a dans le Koran un verset ainsi conçu : « Celui qui s’est souillé de poussière dans les sentiers d’Allah n’a pas à redouter les feux de l’enfer. »

Nous ne pousserons pas plus loin cette revue des Mosquées, qui se ressemblent toutes, à de légères différences près. Nous mentionnerons seulement la Solymanieh, une des plus parfaites comme architecture, et près de laquelle se trouve un turbé où repose, à côté de Soliman Ier, le corps de la célèbre Roxelane, sous un cercueil recouvert de cachemires. — Non loin de cette mosquée gît un sarcophage de porphyre, qu’on dit être celui de Constantin.