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SYRA.

vue d’œil ; dans la ville haute, tout s’affaisse et s’écroule, la vie quitte la tête pour se réfugier aux pieds.

Je parcourus d’abord la Syra moderne, montant de ruelle en ruelle, car l’escarpement commence presque dès le bord de la mer. Une chose me frappe, c’est le petit nombre de femmes que je rencontre ; — à l’exception de quelques vieilles et de quelques petites filles que leur âge trop avancé ou trop tendre met à l’abri du soupçon, les femmes pressent le pas ou rentrent lorsque je passe. Leur costume n’a rien de caractéristique : la vulgaire robe de cotonnade anglaise et un gazillon noirâtre tortillé sur la tête, voilà tout. La réclusion orientale semble déjà commencer pour elles. On n’en voit aucune dans les boutiques, et ce sont les hommes qui vendent, vont au marché et portent les provisions.

Une joyeuse fusée d’éclats de rire part d’une maison que je côtoie ; c’est un pensionnat de petites filles à qui je parais sans doute profondément ridicule, je ne sais pas pourquoi.

La maîtresse était sur la porte et me fit signe que je pouvais entrer pour examiner l’intérieur de l’école. Je vis là une belle collection d’yeux noirs, de dents blanches et de grosses nattes de cheveux, et Decamps y aurait trouvé de quoi faire un joli pendant à sa Sortie de l’École turque. — J’entrai aussi dans une église grecque d’une architecture très-simple, décorée à l’intérieur d’images en style byzantin passant à travers des plaques d’orfèvrerie, des têtes et des mains d’une couleur bistrée, comme j’en avais déjà vues à Livourne ; une espèce de portique formant cloison interdit aux fidèles la vue du sanctuaire, qui ne renferme qu’un autel recouvert d’une nappe blanche ; on nous montra une croix et divers ornements du culte en vermeil, d’un travail grossier et barbare, mais ayant assez de caractère.

Une espèce de chaussée très-abrupte sépare la nouvelle Syra de l’ancienne. Ce pont franchi, l’ascension commence