Page:Gautier - Fleurs d’orient.djvu/323

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vissent d’un élan les pentes qui conduisent au faîte de la Grande-Muraille — sur laquelle six d’entre eux pourraient galoper de front — et ils interrogent des yeux le lointain. Bientôt, sans doute, les éclaireurs vont apparaître au détour de la passe de Tcha-Tao.

Les regards du général, cependant, ne sont pas aussi enchaînés au dehors qu’ils devraient l’être : quelque chose, dans l’intérieur de la tente, semble les attirer invinciblement, les distraire de leur attente fébrile.

Ce qui l’attire, c’est un adolescent, affaissé dans un coin sur une peau d’ours, et qui paraît absolument étranger à l’émotion générale. Il est d’une beauté surprenante, des yeux d’enfant, une chair de fleur ; mais un pli de souffrance au coin des lèvres délicates, trop de pâleur et trop de tristesse. Sa tête est à demi rasée, selon la mode tartare, et une longue natte noire tombe de sa nuque et miroite dans les poils fauves de la peau d’ours.

Le général enveloppe d’un regard plein de tendresse le triste jeune homme, et des soupirs