Page:Gautier - Guide de l’amateur au Musée du Louvre, 1882.djvu/27

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l’effet un aspect de réalité surprenant. Ces larges ombres, ces reflets vagues, ces lumières pâles accrochées aux contours des objets et des figures produisent un effroi involontaire, et le frisson du meurtrier vous gagne. Nous ne savons rien de plus beau et de plus grand style dans aucune école que ces deux déesses qui glissent d’un élan si sûr et si tranquille à travers l’air bleu de la nuit, rien de plus dramatiquement sinistre que la silhouette de l’assassin et de plus touchant que la victime. L'Assomption de la Vierge, destinée à la chapelle des Tuileries, est d’un tout autre genre. Prud’hon a voulu peindre une fête du ciel, et il a poussé l’élégance, la grâce et la fraîcheur presque jusqu’à la coquetterie profane. Un souffle amoureux soulève ce groupe charmant. On dirait une Flore ravie par les Zéphyrs, si la tête de la Vierge, à demi renversée dans la lumière céleste, n’exprimait la plus pure extase et la joie délirante d’une âme divine qui remonte vers sa patrie. Les anges qui entourent la Vierge et soutiennent ses pieds ont un charme indicible. Prud’hon, comme les Grecs pour l’Hermaphrodite, a su fondre dans leur beauté toutes les grâces du jeune homme et de la jeune fille et créer, pour ainsi dire, un troisième sexe plus parfait que les deux autres ; mais au lieu d’une volupté équivoque, ces divins éphèbes n’expriment qu’une innocence caressante et dévouée. Le coloris de ce charmant tableau est un véritable bouquet de palette. Disons un mot du magnifique Portrait de madame Jarre, qui pourrait tenir sa place parmi les