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Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/138

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de pierre grise, aux portes étoilées de gros clous, aux fenêtres grillées de serrureries touffues, aux toits fortement projetés, historiées de grands blasons sculptés, à lambrequins énormes et à supports bizarres qu’accompagnaient de graves légendes castillanes où parlaient en quelques mots l’honneur, la foi et la fierté, convenaient admirablement, chose rare, au souvenir évoqué. À chaque instant nous nous attendions à voir déboucher par une ruelle Hernani en personne avec sa cuirasse, de cuir, son ceinturon à boucle de cuivre, son pantalon gris, ses alpargatas, son manteau brun, son chapeau à larges bords, armé de son épée et de sa dague et portant à une ganse verte son cor aussi connu que celui de Roland. Sans doute le poëte, dont l’enfance s’est passée au collège noble de Madrid, a traversé ce bourg, et ce nom sonore et bien fait lui étant resté dans quelque recoin de sa mémoire, il en a baptisé plus tard le héros de son drame.

Mais nous voilà comme Nestor, le bon chevalier de Gerennia, dont nous n’avons cependant pas encore l’âge, occupé à raconter des histoires et à dire aux hommes d’aujourd’hui ce qu’étaient les hommes d’autrefois. Laissons, comme il convient, le passé pour le présent et revenons à la représentation de jeudi. La salle n’était pas moins remplie ni moins animée que le 25 février 1830 ; mais il n’y avait plus d’antagonisme classique et romantique. Les deux camps s’étaient fondus en un seul, battant des mains avec un ensemble que ne troublait plus