Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/139

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aucune discordance. Les passages qui jadis provoquaient des luttes étaient, nuance délicate, particulièrement applaudis, comme si l’on voulait dédommager le poëte d’une antique injustice. Les années se sont écoulées, et l’éducation du public s’est faite insensiblement ; ce qui le révoltait naguère lui semble tout simple. Les prétendus défauts se transforment en beautés, et tel s’étonne de pleurer là où il riait et de s’enthousiasmer à l’endroit qu’il sifflait. Le prophète n’est pas allé à la montagne, mais la montagne est allée au prophète, contrairement à la légende de l’Islam.

L’œuvre elle-même a gagné avec le temps une magnifique patine ; comme sous un vernis d’or qui adoucit et qui réchauffe en même temps, les couleurs violentes se sont calmées, les âpretés de touche, les férocités d’empâtement ont disparu ; le tableau a la richesse grave, l’autorité et la largeur de pinceau d’un de ces portraits où Titien, le peintre de Charles-Quint, représentait quelque haut personnage avec son blason dans le coin de la toile.

Dans la préface de sa pièce l’auteur disait en parlant de lui-même : « Il n’ose se flatter que tout le monde ait compris du premier coup ce drame dont le Romancero general est la véritable clef. Il prierait volontiers les personnes que cet ouvrage a pu choquer de relire le Cid, don Sanche, Nicomède, ou plutôt tout Corneille et tout Molière, ces grands et admirables poëtes. Cette lecture, si pourtant elles