Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/140

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veulent bien faire d’abord la part de l’immense infériorité de l’auteur d’Hernani, les rendra peut-être moins sévères pour certaines choses qui ont pu les blesser dans le fond ou la forme de ce drame. »

Dans ces quelques lignes se trouve le secret du style romantique qui procède de Corneille, de Molière et de Saint Simon, en y ajoutant pour les images quelques nuances de Shakspeare. Racine seul paraît classique aux délicats qui, au fond, n’aiment guère les mâles poëtes et le vigoureux prosateur que nous venons de citer. C’est cette veine de langage qui leur déplaît dans les poètes modernes en général et chez Hugo en particulier.

C’est un bien vif plaisir de voir, après tant de mélodrames et de vaudevilles, cette œuvre de génie avec ses personnages plus grands que nature, ses passions gigantesques, son lyrisme effréné et son action qui semble une légende du Romancero mise au théâtre comme la été celle du Cid Campéador, et surtout d’entendre ces beaux vers colorés, si poétiques, si fermes et si souples à la fois, se prêtant à la rapidité familière du dialogue où les répliques s’entre-croisent comme des lames et semblent jeter des étincelles, et planant avec des ailes d’aigle ou de colombe aux moments de rêverie et d’amour.

Dans le grand monologue de don Carlos devant le tombeau de Charlemagne, il nous semblait monter par un escalier dont chaque marche était un vers au sommet d’une flèche de cathédrale, d’où le monde nous