Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/141

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apparaissait comme dans la gravure sur bois d’une cosmographie gothique, avec des clochers pointus, des tours crénelées, des toits à découpures, des palais, des enceintes de jardins, des remparts en zigzag, des bombardes sur leurs affûts, des tire-bouchons de fumée et tout au fond un immense fourmillement de peuple. Le poëte excelle dans ces vues prises de haut sur les idées, la configuration ou la politique d’un temps.

La pièce qui portait ce sous-titre Hernani ou l’Honneur castillan, a pour fatalité el pundonor, cette ananké de tant de comédies espagnoles ; Jean d’Aragon y obéit, mais ce n’est pas sans regret ; la vie lui est si douce quand sonne le rappel du serment oublié, et il suit doña Sol dans la mort plutôt qu’il ne tient sa promesse. Mais voilà que l’habitude de l’analysé nous emporte, et que nous racontons Hernani.

On nous demandera sans doute si d’origine l’exécution de la pièce était supérieure à celle d’aujourd’hui ; à l’exception du vieux Joanny, les acteurs qui créèrent les rôles étaient peu sympathiques au nouveau genre, et jouaient loyalement à coup sûr, mais sans grande conviction ; Firmin donnait à Hernani cette trépidation fiévreuse qui chez lui simulait la chaleur ; Michelot était un don Carlos assez médiocre, dont les coupes du vers moderne embarrassaient la diction ; mademoiselle Mars ne pouvait prêter à la fièvre et passionnée doña Sol qu’un talent sobre et fin, préoccupé des convenances, plus fait