Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/147

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Il nous répugne vraiment par trop de dépoétiser par une énumération de commissaire-priseur cet intérieur où nous avons passé des heures si douces, dans une charmante intimité, écoutant une de ces conversations d’art, de voyage ou de philosophie, comme on n’en entendra plus. Nous aimons mieux en retracer la physionomie vivante, et, par ce léger crayon fait à la hâte, conserver la figure des lieux et la place des objets. Ces quelques lignes seront peut-être plus tard consultées comme documents pour la biographie du poète.

M. Victor Hugo, après un long séjour à la place Royale, avait transporté, rue de la Tour d’Auvergne, dans une vaste, calme et solitaire maison propice à la rêverie et au travail, et des fenêtres de laquelle on aperçoit Paris en panorama, espèce d’Océan immobile qui a sa grandeur comme l’autre. On traversait une cour déserte, l’on montait, et au premier l’on trouvait le logis hospitalier du poète, modeste demeure pour un si grand nom, et où les étrangers, venus de loin pour le saluer, s’étonnaient de ne trouver ni portiques ni colonnes de marbre.

Dès l’antichambre, le goût particulier du poëte se déclarait, car nul n’a plus imprimé le cachet de sa fantaisie aux lieux qu’il habitait : des fontaines chinoises, des vases en faïence de Rouen, des armoires en laque du Japon, décoraient cette première pièce.

Le petit salon d’attente, revêtu de cuir de Cordoue gaufré et doré, encadrant deux panneaux de tapisserie gothique de très-vieille date, plus ancienne