Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/269

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faits pour traîner le char de Cybèle, et que Morosini, le Péloponésiatique, fit transporter à Venise, où ils gardent maintenant la porte de l’arsenal.

Le Tigre dévorant un crocodile n’obtint pas un moindre succès. Quelle énergie, quelle férocité et quel frisson de convoitise satisfaite sur cette échine crispée, courbée en arc, dans ces pattes aux coudes ressortis, dans ces hanches saillantes, dans ces flancs pantelants, dans cette queue convulsive, et comme le pauvre monstre écaillé se tordait piteusement et douloureusement sous cette étreinte inéluctable entre ces griffes aussi aiguës que des poignards ! Jamais les luttes de la nature et les fatalités de la destruction ne furent rendues d’une manière plus profonde et plus puissante.

Il suffit de citer le Combat d’ours, l’Ours dans son auge, le Cheval renversé par un lion, la Gazelle morte, l’Éléphant d’Asie, le Jaguar dévorant un lièvre, pour que toutes les mémoires se rappellent aussitôt ces groupes d’une vie si palpitante, d’une facture si fine et d’une tournure si fière. On connaît moins le surtout de table exécuté pour le duc d’Orléans sur les dessins de Chenavard, et qui comprenait neuf groupes de chasses dans les différentes parties du monde, excellent thème, qui permit à Barye de mêler avec une furie pittoresque hommes, lions, tigres, chevaux, éléphants.

Pendant sa longue absence du Salon, Barye a fait les Trois Grâces, Angélique et Médor, Thésée combattant le Minotaure, plusieurs statuettes équestres