Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/54

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le plus glacial et le plus détaché, il faisait les farces les plus énormes et mystifiait les bourgeois avec l’aplomb de Panurge. Il rappelait encore ce Merckle en qui Gœthe voyait le type le plus parfait de Méphistophélès.

Mais que faisait ce Jules Vabre, depuis si longtemps disparu et qui n’a laissé de trace de son passage qu’une ironique annonce de livre et son nom dans une dédicace ? Était-ce un poëte, un peintre, un statuaire, un musicien ? Nous ne connaissons de lui ni pièce de vers, ni tableau, ni statue, ni sonate, — il était architecte, — il y en avait beaucoup dans l’armée d’Hernani aussi ennuyés des cinq ordres que nous pouvions l’être des trois unités. — Aux moments où l’arrivée du Galion des Indes se faisait attendre, Vabre et son ami Petrus dirigeaient des constructions pour le compte d’entrepreneurs et se logeaient dans la première pièce à peu près close, pour épargner d’abord des frais de loyer, et ensuite pour jouer au Robinson Crusoé et au sauvage perdu au milieu de la civilisation.

C’est ainsi que nous les trouvâmes installés sous la voûte d’une cave à demi effondrée dans une maison de la rue Fontaine-au-Roi qu’ils étaient chargés sans doute de réparer. Les charpentes arrachées, les briques, les moellons jetés en tas remplissaient la cour de décombres et en rendaient l’accès assez difficile. En trébuchant contre les pierres et les poutres nous parvînmes au domicile de nos amis guidé par la lueur intermittente qui s’échappait