Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/83

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Personne plus que Philothée O’Neddy ne présente ce caractère d’outrance et de tension. Le mot paroxyste employé pour la première fois par Nestor Roqueplan, semble avoir été inventée l’intention de Philothée. Tout est poussé de ton, haut en couleur, violent, arrivé aux dernières limites de l’expression, d’une originalité agressive, presque ruisselant d’inouïsme, comme dirait Xavier Aubryet ; mais à travers les paradoxes biscornus, les maximes sophistiques, les métaphores incohérentes, les hyperboles boursouflées et les mots de six pieds de long, il y a le sentiment de la période poétique et l’harmonie du rhythme.

Philothée est un métrique ; il façonne bien le vers sur l’enclume et, quand il a puisé dans la forge l’alexandrin incandescent, il lui donne, au milieu d’une pluie d’étincelles, la forme qu’il désire avec son opiniâtre et pesant marteau. S’il ne s’était retiré sitôt, il se serait fait assurément une place dans le bataillon sacré. Il avait cette qualité rare en art : la force ; mais il s’est découragé dès le début par une de ces lassitudes dont le secret reste dans l’âme et plus souvent encore dans le cœur du poëte. Il lui aurait fallu travailler davantage pour arriver où tendaient ses vœux.


Amour, enthousiasme, étude, poésie,
C’est là qu’en votre extase, océan d’ambroisie,
        Se noîraient nos âmes de feu !
C’est là que je saurais, fort d’un génie étrange,
Dans la création d’un bonheur sans mélange,
        Être plus artiste que Dieu !