Page:Gautier - Histoire du romantisme, 1874.djvu/87

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ses d’une litanie. On était beau, on était jeune, on était fier, on était enthousiaste.

Dans un coin, entre deux camarades de Nanteuil, vers la fin du dîner, quand déjà l’on quittait sa place pour aller causer à l’autre bout de la table, nous aperçûmes un homme dont la tournure ne nous était pas inconnue. C’était Philothée O’Neddy qui sortait des catacombes de cette vie mystérieuse où il s’était plongé, qui venait boire le coup de l’étrier avec son ami Célestin Nanteuil partant pour Dijon au lieu d’aller à Saint-Jacques de Compostelle, comme c’était son projet. Ses cheveux étaient toujours crépus mais saupoudrés de gris, et la raie creusée sur les ailes de son nez par son lorgnon était devenue si profonde avec le temps qu’il s’y incrustait et y tenait seul. Eh bien ! lui dîmes-nous en nous rapprochant de lui et lui secouant la main, à quand le second volume de vers ? — Il nous regarda de ses yeux bleus, effarés et troubles, et nous répondit avec un soupir : « Oh ! quand il n’y aura pas de bourgeois ! »