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LA TUNIQUE MERVEILLEUSE.

demain et les jours suivants, et, si j’empire, venez me voir. Je vous jure que vous ne regretterez pas votre visite.

Quelques jours après, il était au plus mal, et je me rendis près de lui comme il me l’avait recommandé ; il n’avait plus que peu d’instants à vivre.

— Prends ce manteau, mon fils, me dit-il ; moi, je n’en ai plus besoin. Tu reconnaîtras bientôt sa merveilleuse vertu, et tu te féliciteras d’avoir accompli une bonne action.

Pour ne pas contrarier le moribond, je mis sur mes épaules ce vêtement qui me semblait peu élégant. Je crus qu’il avait appartenu à quelque saint de la religion de ce prêtre, et que ce dernier y attachait, pour cette raison, un grand prix ; mais il n’était pour moi qu’une loque insignifiante que je jetterais au premier coin de rue. Cette idée me passa bien vite ; il faisait alors une chaleur étouffante, et aussitôt que j’eus endossé sa tunique, je me sentis enveloppé d’une délicieuse fraîcheur, car si ce vêtement tient chaud en hiver, il tient frais en été. Saisi de surprise, je me tournai vers le bonze pour l’interroger : mais il avait quitté ce monde. Je m’éloignai en ordonnant qu’on fît à cet étranger