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LA TUNIQUE MERVEILLEUSE.

des funérailles décentes. Que vous dirai-je encore, oncle vénérable ? Ce jour-là, j’oubliai de dîner, je passai une nuit excellente malgré la chaleur, grâce à cette tunique que je n’avais pas quittée. Le lendemain, j’étais rassasié avant d’avoir goûté trois grains de riz. Je compris alors quel trésor je possédais, et, pénétré de reconnaissance, je fis dresser dans ma maison des tablettes funéraires à ce bonze barbare qui m’avait enrichi.

— Donne ce vêtement au malheureux San-Ko-Tcheou, qui est transi de froid et dépense des sommes énormes pour sa nourriture ! s’écria l’avare tout à fait convaincu, et dont les petits yeux bridés pétillaient de convoitise.

— Donner ma tunique ! Y songes-tu ? dit Cœur-de-Rubis. Tu as dans tes caves de beaux liangs d’or qui s’ennuient sous la poussière ; tu peux t’acheter des fourrures et te faire préparer d’excellents repas.

— Moi ! j’ai des liangs ! dit l’avare en haussant les épaules.

— Tandis que moi, je suis pauvre, continua le jeune homme, et ce vêtement miraculeux me met à l’abri de tout besoin. À peine le céderais-je, tem-