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LE FRUIT DÉFENDU.

Le marchand leva les bras au ciel :

— « Une robe jaune ! s’écria-t-il d’une voix épouvantée, qu’oses-tu demander ? L’empereur lui seul, et ceux qui le représentent dans les diverses capitales de la Patrie du Milieu, ont le privilège de porter des robes de cette couleur. Sais-tu à combien de coups de bambou s’exposerait ton dos en portant le plus petit morceau d’étoffe jaune et de quelle peine je serais passible moi-même si je consentais à t’en vendre ? »

Sang-Yong, très effrayé, s’efforçait en vain d’imposer silence au marchand.

— « Crois-tu d’ailleurs, ajouta celui-ci en criant plus fort, que si je n’étais pas arrêté par la crainte du châtiment, je ne le serais pas par le respect que je dois au Fils du Ciel et au mandarin Tchin-Tchan ? »

Mais, tout à coup, baissant la voix :

— « Reviens ce soir à cette place même, dit-il, dès que la cloche aura sonné l’ordre d’éteindre. Je te conduirai chez moi, et tu auras une robe jaune, fraîche et resplendissante comme les robes de l’empereur. »

Sang-Yong fit un signe de tête et s’éloigna tout joyeux.