Page:Gautier - Isoline et la Fleur Serpent, Charavay frères, 1882.djvu/283

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
283
LE FRUIT DÉFENDU.

— « Enfin ! murmura-t-il en cachant ses mains dans ses manches, ce que j’ai tant désiré va s’accomplir bientôt ! »

Il passa le reste de la journée à acheter de grands miroirs d’acier poli et à les faire transporter dans sa maison.

Sang-Yong avait été favorisé par le génie de la fortune ; son commerce de librairie avait réussi au-delà de ses espérances ; il était doué d’un caractère joyeux, d’une bonne santé et d’un appétit considérable qu’il satisfaisait journellement par les mets les plus délicats. De plus, il n’était pas marié, préférant à la monotone et maussade épouse de l’appartement intérieur les joyeuses fleurs, souvent renouvelées, des Bateaux du Faubourg. Cependant il n’était pas heureux. Une idée singulière s’était un jour emparée de son esprit et ne l’avait plus quitté. Il s’était avoué qu’avec toute sa fortune et tout son appétit il resterait toujours un marchand vulgaire, que son manque d’éducation l’empêcherait d’arriver à aucun grade élevé, et il aurait donné tout son appétit et toute sa fortune pour être mandarin.

Il garda cette pensée pendant un an, mangeant