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LE FRUIT DÉFENDU.

moins, riant moins, le front voilé d’un souci constant ; puis il raisonna son idée froidement, et se demanda ce qu’avaient de plus que lui les mandarins qu’il enviait. Cette réponse saugrenue se présenta à son esprit : Ils portent une robe jaune ! Toi, si tu portais une robe jaune, tu recevrais, selon la loi, cent coups de bambou sur les épaules. Il ne trouva pas d’autre motif à son ambition, et dès lors un fatal désir se glissa dans son cœur. « Il me faut une robe jaune, répétait-il nuit et jour. Je m’enfermerai dans ma chambre que j’aurai fait garnir de glaces limpides, j’allumerai un grand nombre de lanternes, je revêtirai chaque soir ma robe jaune, et je me regarderai dans les miroirs, et je ne recevrai pas de coups de bâton. » Souvent aussi, il se disait : « Je suis fou ! que m’importe une robe jaune ? » Néanmoins il en cherchait une avec un acharnement sans trêve.

Quand la huitième heure eut sonné, il se trouva, tout ému, à la place que lui avait indiquée le marchand de costumes. Celui-ci, qui attendait le libraire, se mit à marcher silencieusement, et Sang-Yong le suivit. Ils passèrent par des rues étroites, boueuses, et pénétrèrent enfin dans une petite bou-