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ISOLINE

dre de cette jeune fille ; elle avait précipité l’éclosion d’une pensée d’amour qui aurait mis plus de temps à naître. Gilbert se demandait pourquoi il était si terrible d’affronter le charme de ces yeux splendides. Qu’en savait-elle d’abord, cette pauvre paysanne ignorante de la vie ? Isoline avait-elle été aimée déjà ? Était-ce quelque drame romanesque qui lui faisait la vie si sombre ? Il était curieux de revoir ce château de la Conninais qu’il n’avait jamais regardé que d’un œil indifférent. Si ses souvenirs ne le trompaient pas, la route qu’il avait prise y conduisait.

Il se hâtait sous l’ombrage épaissi sur lequel l’eau tombait avec un bruit régulier. De grands rochers se haussaient d’un côté, veloutés de mousse et d’herbes ; à droite, au delà des arbres, le terrain se creusait en un étroit vallon dont l’autre versant était couvert de sapins.

Une buée montait, cachant le sol. Tout ruisselait ; sous les branches s’alignaient des rangs de gouttelettes qui brusquement s’unissaient et tombaient, des rigoles couraient entre les pierres qui devenaient rares, le terrain, de plus en plus mou, perdait toute consistance ; c’était un marécage :