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ISOLINE

— « Tu ne nous reconnais pas ? dit-elle.

— Largue la misaine, en avant ! » s’écria Gilbert qui croyait faire un de ces rêves où tout ce que l’on souhaite s’accomplit avec la plus grande facilité.

Il avait hâte de quitter terre, d’être près d’elle dans cet étroit bateau, sur cet élément qui était le sien et où il lui semblait qu’elle venait le rejoindre.

— « À Lehon ! » avait dit Isoline en s’asseyant au gouvernail.

Et la toile s’était tendue et l’on avait gagné le milieu de l’eau.

Dinan, tout de suite, apparut à un coude de la rivière. Le soleil faisait resplendir les verdures qui rajeunissaient les vieilles murailles. Tout se dorait, le ciel d’un bleu très doux noyait les contours. Ce n’était plus la ville noire et lugubre dont Gilbert s’était attristé quelques jours auparavant, mais quelque chose d’heureux, de resplendissant, qui faisait songer à une belle cité d’Italie.

— « Voyez, dit la jeune fille, en indiquant du doigt l’antique forteresse, aujourd’hui prison d’État, qui semblait hausser ses tours formidables au-dessus de la ville. Voyez ! c’est là que Tristan le héros fut ramené blessé à mort. C’est là qu’il pleura