Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/27

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innovation, fût-elle à son avantage, Jésus parle avec une autorité douce à la foule attentive qui l’environne, et dont les groupes appartiennent à tous les temps et à tous les âges, ce qui produit un de ces pittoresques anachronismes de costumes dont les Vénitiens savaient tirer de si heureux contrastes.

Cette foule n’est pas très-orthodoxe : ce ne sont pas, comme vous pourriez vous l’imaginer, des apôtres, des Pères de l’Eglise, des docteurs de la loi, des saints du calendrier qui entourent le doux fils de Marie. Il ne s’agit pas ici du Christ dogmatique et théocratique tel que le catholicisme l’a arrangé pour ses besoins, de ce Christ herculéen qui, dans la fresque de Michel-Ange, lève avec un geste violent son bras d’athlète pour écraser tous ceux qui n’ont pas suivi le chemin tracé : mais du Jésus tendre et bon, de l’ami des petits enfants et des femmes, du blond rêveur qui se fût volontiers promené sous les ombrages de l’Académie, entre Platon et Socrate. Le peintre a composé l’auditoire du sermon sur la montagne de tous ceux qui ont aimé le Christ pour lui-même et l’ont cherché avidement, fût-ce en dehors du dogme, fût-ce à travers l’hérésie.

Parmi la foule on remarque Apollonius de Thyanes, Arnaud de Brescia, Jean Huss, Wiclef, Luther, Campanella, Savonarole, Fénelon, Swedenborg saint Martin et d’autres personnages plus modernes, qui, d’après l’inspiration plus ou moins directe de Jésus, ont travaillé avec lui ou comme lui à la réalisation des grands préceptes de l’Evangile. Saint Jean, Madeleine, sainte Thérèse, madame Guyon, représentent parmi ces groupes le dévouement passionné, l’amour poussé jusqu’à l’abnégation de