Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/35

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le nom de César et d’Auguste. Alexandre n’était qu’artiste et guerrier, Charlemagne fut encore législateur ; ses Capitulaires restent comme un éternel témoignage de raison et de justice : les fables des romans chevaleresques du cycle carlovingien sont moins surprenantes à coup sûr que son histoire. Sa statue est du plus beau caractère : c’est bien l’empereur géant, l’énorme intelligence servie par un corps de Titan, le guerrier herculéen qui, selon la chronique du moine de Saint-Gall, portait à sa lance, embrochés comme des grenouilles, sept pauvres Saxons idolâtres : nescio quid murmurantes ; le vainqueur de Didier et de Witiking, l’empereur à l’œil d’épervier à la barbe grifagne, comme disent les poëtes du Romancero français, le compagnon des douze pairs, l’ami de Roland et d’Olivier, celui dont les grands os font reculer de surprise le voyageur lorsqu’on ouvre la châsse byzantine plaquée d’or, constellée de grenats, qui les contient dans la sacristie d’Aix-la-Chapelle, sa ville bien-aimée.

L’Orient semble vouloir déborder sur l’Occident. Les Sarrasins, arrêtés en France par la masse d’armes de Charles-Martel, possédait [sic] le bout de la botte italique, une partie de la Sicile, presque toute l’Espagne ; des califes régnaient à Cordoue, à Séville, à Grenade, dont le nom même, resté arabe, signifie la crème du couchant (garb-nata). Des princes baptisés, mais musulmans de mœurs et de penchants, tels que Mainfroy et don Pèdre le Cruel, représentaient fort mal l’idée chrétienne dans des royaumes presque africains. La réaction des croisades était donc nécessaires, même à un autre point de vue que celui de reconquérir le tombeau du Christ. Aux époques peu avancées, ce n’est que par les guerres et les invasions