Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/50

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tard, leurs formes, quoique multiples et monstrueuses, se moulent avec plus de précision. Leurs enveloppes bestiales, leurs bras sans nombre, leurs attributs compliqués, expriment obscurément des idées encore confuses et des mystères cosmogoniques mal débrouillés ; les dieux sont en harmonie avec les mammouths, les mastodontes, les serpents de mer et toute cette nature énorme, touffue et fourmillante des premiers jours du monde.

Dans l’Inde, ils empruntent à l’éléphant sa trompe, au polype ses tentacules, au lotus sa fleur ; plus tard, en Egypte, Io quitte son corps de vache, et n’en garde que la tête sur les épaules d’Isis. Les membres parasites s’élaguent peu à peu. Si Anubis aboie avec une gueule de chien, il n’a que deux bras comme un homme. Bientôt paraissent les dieux anthropomorphes de la Grèce, types de la beauté la plus parfaite. A chaque avatar, les divinités ont laissé tomber des carapaces, les peaux écaillées, les formes hideuses, comme les papillons qui abandonnent leurs chrysalides. Chaque transformation les rapproche de plus en plus de l’homme qui est fait à l’image de Dieu, car la théogonie est soumise aux mêmes lois que la cosmogonie ; elle procède du composé au simple, du monstrueux au beau, de l’absurde au raisonnable. Après les dieux charmants de la Grèce, à qui pourtant manque la beauté morale, vient Jésus-Christ , qui met une âme céleste dans le corps de L’Apollon pythien et réunit toutes les perfections. Ensuite arrivent les grands hommes, dieux visibles du monde moderne, lampes transparentes qui laissent briller un plus vif rayon de l’âme universelle. Les dieux, c’est-à-dire les intelligences supérieures, n’ont pas besoin, dans le milieu où nous vivons, de prendre d’autre forme que