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INTRODUCTION

pour un paradoxe ou un scandale. M. Chabaille[1] avait déjà essayé de vulgariser tout ce qui avait été jusque-là découvert sur nos Épopées chevaleresques. En Allemagne, on faisait mieux encore : on publiait de nouveaux textes. Le Ruolandes Liet était édité par W. Grimm[2], le Ruolandes Liet à travers lequel on peut voir notre Roland, comme on voit l’eau à travers un cristal. Un an plus tard, Bekker écrivait, pour l’Académie de Berlin, son « Mémoire sur les manuscrits français de la Bibliothèque de Saint-Marc[3] », et rencontrait sur son chemin deux Roland d’une valeur bien inégale. Cependant M. Mazuy entreprenait, en France, la comparaison de l’Arioste avec nos Romans chevaleresques[4]. C’était un heureux essai, d’art et de littérature comparées. Bref, les esprits étaient assez bien disposés pour que le Roland de ce pauvre M. Creuzé de Lesser n’obtînt, en 1839, qu’un succès de fou rire[5]. On s’intéressait davantage aux travaux si longtemps attendus de M. Bourdillon : le livre parut enfin, et même, au lieu d’un livre, il en parut deux qui ne répondirent pas à l’attente générale. Loin d’être au courant des travaux de son temps, M. Bourdillon s’était singulièrement attardé. Véritablement amoureux d’un Remaniement qu’il regarda toujours comme le meilleur texte de notre poëme, il ne put même pas se résoudre à le publier exactement, et se permit des arrangements, des coupures, des changements. C’est ce qu’il

  1. Épopées chevaleresques, par A. Chabaille. (Revue française, t. III, 1er décembre 1837, pp. 342-361.)
  2. Ruolandes Liet, herausgegeben von Wilhelm Grimm. Göttingen, 1838.
  3. En 1838, parut, à Paris, le Rapport de M. Michel à M. le Ministre de l’Instruction publique sur les anciens monuments de l’histoire et de la littérature de la France qui sont conservés dans les Bibliothèques de l’Angleterre et de l’Écosse, in-4o.
  4. Introduction et Notice sur les romans chevaleresques, les traditions orientales, les chroniques et les chants des trouvères et des troubadours comparés à l’Arioste, par M. A. Mazuy, traducteur de l’Arioste. Paris, 1838.
  5. La Chevalerie ou les Histoires du Moyen âge, composées de la Table-Ronde, Amadis, Roland, poëmes sur les trois familles de la Chevalerie romanesque, par A. Creuzé de Lesser. Paris, 1839. (La première édition avait paru en 1815.) ═ Roland, poëme imité de l’Arioste, Boiardo, Pulci, Berni, Fortiguerra, etc. etc., ne renferme pas moins de 40 chants et de 54,000 vers.