Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/105

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habite, la guetter, la surprendre ! c’est cela, c’est cette inaction qui m’enfièvre et m’exaspère.

— Eh bien, partons, allons à Bangalore.

— Tu ne doutes de rien, brave Naïk, dit le marquis en souriant : déserter mon poste, me déshonorer, mériter la mort, rien que cela.

— Alors, laisse-moi partir. Je tâcherai de m’introduire encore auprès d’elle et de te renseigner.

— Non, non. Qu’apprendrais-tu de plus ? Et puis que deviendrais-je si tu n’étais plus là, pour entretenir mon mal comme tu dis. Ah ! quand je pense que je l’ai tenue dans mes bras et que je n’en ai pas même eu conscience ! continua-t-il en se cachant le visage dans les mains.

Naïk essaya de le calmer en balançant doucement le hamac comme s’il eût bercé un enfant.

— Il y a des plantes mystérieuses, dit-il à demi-voix, des plantes dont on compose un breuvage tout-puissant qui réalise, dans les rêves, les désirs des veilles ; je chercherai ces plantes, je composerai le breuvage, et la divine Maya[1] te visitera.

— Serais-tu sorcier ? demanda le marquis ; en ce cas, fabrique plutôt un philtre qui la brûle d’amour pour moi.

— Il existe aussi de pareils philtres ; il est vrai que c’est un crime de les composer et de s’en servir. Je commettrai le sacrilège, si tu le veux ; mais pour réussir il faut attendre l’époque où les salamandres sont en amour.

  1. L’Illusion.