Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/16

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Bussy complaisamment rapporta à son compagnon toutes les chroniques, les scandales qui occupaient la cour lors de son départ de France, les succès galants du duc de Richelieu, la fortune naissante de Mme de Pompadour, la nouvelle maîtresse du roi. Mais lorsqu’il eut parlé quelque temps, un léger ronflement vint l’avertir qu’on ne l’écoutait plus. Il rit silencieusement, et, mettant ses mains sous sa tête, il contempla la palpitation des étoiles, à travers les larges baies de la salle, qui semblaient découper des festons de velours noir sur la clarté relative du ciel.

Le bruit de toutes ces respirations d’hommes au repos troublait seul le silence ; mais si quelqu’un eût été éveillé, il eût pu entendre Bussy murmurer une fois encore, comme s’il prononçait le nom d’une maîtresse bien-aimée :

— Djennat-Nichan !


Le lendemain, au petit jour, Nicolas Morse, gouverneur de Madras, a un bien désagréable réveil : le premier coup de canon le fait tressauter dans son lit. Il se retourne d’abord vers la ruelle en murmurant :

— Il tonne !

Mais les décharges, qui se succèdent maintenant sans relâche, ne lui permettent pas de reprendre son somme ni d’attribuer au ciel tout ce vacarme.

Le voici qui saute à bas du lit et, nu-pieds, court tout ému vers la fenêtre, se glisse sur la galerie extérieure.

Et ses regards interrogent les alentours. Mais il n’y a rien à apprendre des grands arbres du jardin ni des oiseaux qui chantent dans les branches.